Jim Morrison est mort, on le saura, à vingt-sept ans, l’âge fatal dans sa corporation professionnelle (Robert Johnson, Brian Jones, Alan Wilson, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Kurt Cobain, Amy Winehouse, liste en cours). C’était le 3 juillet 1971, dans des circonstances troubles que le temps n’a pas rendues plus limpides.
Aux abords de sa tombe, la plus fréquentée (et de loin) du Père-Lachaise, commentaires, rumeurs, révélations ont, durant des années, flotté dans l’air au milieu de volutes qui n’étaient pas dues qu’à des produits licites. Chacun y défendait ses sources, informateurs de première main, témoins directs de la nuit fatale, confidences de copains d’amis de voisins de l’idole (et parfois encore plus de génitifs), tout y passait. À chaque anniversaire, la sépulture revêtait une allure de forum où la jeunesse soucieuse chère à Alfred de Musset venait s’asseoir sur un monde en ruines, attendant ses prophètes.
Puis, au printemps 2005, la nouvelle affola le landerneau morissonien francophone : on publiait, chez un éditeur de grand renom, la traduction de l’ouvrage de Stephen Davis, le biographe rock le plus reconnu dans le monde ! Travail à l’anglo-saxonne, abondant (480 pages d’une grande densité), précis dans les moindres détails. Ainsi, le récit des derniers instants du chanteur dans sa baignoire : Toujours allongé dans son bain, Jim régurgitait des morceaux d’ananas et des caillots de sang rouge vif. Elle se rua dans la cuisine, attrapa une casserole Le Creuset orange, et revint en courant à ses côtés. Il continua de vomir dans le récipient.
On dirait un Soutine.
J’arrivai dans ma lecture à l’ultime chapitre, consacré à l’inhumation, quand le charme cessa. Il (Alain Ronay) mentionna le Père-Lachaise, où il lui suggéra d’essayer de faire inhumer Morrison près de Chopin, Sarah Bernhardt, Molière ou Claude Debussy. !!!
Debussy reposa, certes, au Père-Lachaise mais l’a, depuis longtemps, quitté pour le cimetière de Passy… Première fêlure dans mon admiration pour le biographe rock…
Enfin, le coup de grâce, deux pages plus loin. Rappelons que Jim Morrison a été enterré dans une concession enclavée parmi d’anciens tombeaux, juste à côté du sépulcre élevé aux Gardes Nationaux, victimes des journées révolutionnaires de juin 1848.
Lisons maintenant Stephen Davis : Une petite concession double était disponible de l’autre côté de la colline, dans une section moins demandée, près d’un monument élevé aux victimes parisiennes de l’oppression nazie.
Du coup, je me prends à douter de toutes les informations révélées plus haut. Questions lancinantes : était-ce bien une casserole Le Creuset ? Et quelle était sa vraie couleur ?