Voici quarante ans, le 14 août 1972, que mourait Jules Romains et je me demande en ce jour anniversaire qui lit encore ses oeuvres romanesques, le très beau Mort de quelqu’un (quels souvenirs notre mort laisse-t-elle chez ceux qui nous ont connus ?) ou les vertigineux Hommes de bonne volonté, l’oeuvre aux 779 chapitres qui constitue le plus vaste cycle romanesque écrit en langue française, au XXè siècle, et qui mène son lecteur de Paris à Cracovie en passant par Gênes, Londres, Amsterdam et le Périgord, au long de vingt-sept volumes. En une époque qui se grise de vitesse et d’éphémère autant que d’écrits aux ambitions subalternes, qui prend encore le temps d’accompagner Jallez et Jerphanion, les deux protagonistes principaux, du 6 octobre 1908 au 7 octobre 1933, source et delta de ce fleuve d’encre ?
Certes, Knock n’a cessé d’être joué, de Jouvet à Serrault et Luchini, mais Les Copains ne font plus recette, même dans leur version cinématographique, brodée en 1965 par Yves Robert pour des comédiens qui, hormis Philippe Noiret (enterré tout près d’Yves Robert, au cimetière Montparnasse), sont encore parmi nous : Guy Bedos, Christian Marin, Pierre Mondy, Michael Lonsdale, Jacques Balutin et Claude Rich. Le chantre de l’unaninisme ne fait plus l’unanimité chez le promeneur du Père-Lachaise qui néglige trop souvent sa tombe, où l’a rejoint Lise (1909-1997) qui entretint la flamme du souvenir un quart de siècle durant, au profit de nouveaux venus, parfois estimables mais au souffle court.
Dans cette même partie basse du cimetière se planque l’hénaurme Pierre Brasseur, mort lui aussi, le 14 août 1972, date funeste car c’est un peu rater sa sortie que de s’éclipser la veille du jour où l’actualité est le plus en sommeil.
Lorsqu’Annie Girardot est décédée, en 2011, des élèves du Conservatoire ont expliqué, à la radio, avoir beaucoup de respect pour elle suite à ce que leur en avaient dit les professeurs, mais ont aussi confié qu’ils étaient incapables de citer un de ses films car ce n’était pas « leur époque ». Alors Brasseur et Romains… Est-ce rêver que de croire, pour cet anniversaire, à la fin de leur quarantaine ?