Charles Baudelaire, mort le 31 août 1867, se trouve, on le sait, condamné à passer l’éternité au cimetière Montparnasse en compagnie de son beau-père détesté, le général Aupick. Le monument qui ne présente aucun caractère ostentatoire se trouve en contrebas de l’allée, par surcroît en deuxième ligne, et n’est pas forcément facile à débusquer lorsque des mains anonymes l’ont débarrassé des fleurs, messages et autres tickets de métro (oui, sur la tombe de Baudelaire aussi, ce genre de rituel s’épanouit) qu’il a coutume de recevoir. Surtout : de nombreux touristes quittent la nécropole persuadés avoir vu la tombe du poète et n’ont pourtant même pas frôlé sa cendre… Car à Baudelaire est dédié un cénotaphe, situé à l’autre bout de la nécropole, qui, lui, se repère de loin et motive force visites. Ultime facétie d’un maître en la matière et que n’aurait pas désavouée son ami Félicien Rops.
Dans le même ordre d’idée, je remarque que la princesse Diana, décédée le 31 août 1997, eut des obsèques dont l’ampleur marqua tous les contemporains mais que, la cérémonie achevée, un halo de mystère enveloppa la destinée finale de sa dépouille. On finit par apprendre qu’une tombe avait été creusée située sur une petite île située dans l’immense domaine d’Althorp, demeure séculaire des comtes Spencer. Aucune image n’ayant filtré, la rumeur enfla qu’il s’agissait d’un leurre destiné à détourner les touristes (admis chaque été dans le parc) de la sépulture véritable aménagée dans l’église du village. En attendant d’en savoir plus, le culte de la défunte a perdu de son intensité (j’avais étonné un journaliste, en 1997, en lui prédisant que les détails du drame, le lieu exact, le nom des passagers de la voiture… s’effaceraient vite des mémoires) et la vérité sur son dernier lieu de repos est encore à établir.
Dernier cas, plus prosaïque, celui de Laurent Fignon, vaincu par le cancer le 31 août 2010. On ne nous priva pas des images de la cérémonie au crématorium du Père-Lachaise mais la destination de ses cendres demeura longtemps un mystère. Aux visiteurs du cimetières qui m’interrogeaient sur l’emplacement de sa tombe après avoir entendu à la radio ou à la télévision, répétée, la faute canonique « Laurent Fignon a été inhumé au Père-Lachaise », j’avouais mon ignorance. Puis, au printemps 2011, une plaque à son nom et à son effigie apparut sous l’une des galeries du columbarium, mettant fin à une incertitude et faisant entrer le sport cycliste dans l’encyclopédie jamais achevée du cimetière.
De ces trois exemples, il ressort que le 31 août est souvent fatal à des personnalités de premier plan que le destin frappe sans attendre (Baudelaire avait quarante-six ans, la princesse Diana trente-six, Laurent Fignon cinquante) et qui, post mortem, déjouent ceux qui s’élancent à leur recherche…