Il y a deux siècles, le 7 septembre 1812, se déroulait la sanglante bataille de la Moskova, où Ney gagna son titre princier, que les Russes préfèrent appeler bataille de Borodino. Près de 25000 morts, tous camps confondus. Sans compter les blessés qui, côté français, avaient pour noms Davout, Grouchy, Latour-Maubourg, Rapp ou Nansouty…
Parmi les victimes, un brillant officier picard, le général Auguste de Caulaincourt, pas encore trente-cinq ans, dont le frère aîné, Armand, avait toute la confiance de l’Empereur (Nous sommes deux amoureux qui ne peuvent se passer l’un de l’autre disait Napoléon) qui l’avait choisi comme grand écuyer et fait duc de Vicence (mort en 1827, il repose au Père-Lachaise). Malgré une santé fragile qui lui avait valu d’obtenir un congé en 1810 après s’être distingué en Espagne et au Portugal, Auguste de Caulaincourt participa à cette campagne de Russie où ses qualités de tacticien et son expérience se révélèrent précieuses.
Au cours d’une charge de cavalerie destinée à s’emparer de la redoute de Borodino, le général Montbrun fut tué net. Napoléon accepta que Caulaincourt, qui sollicitait cet honneur, le remplaçât aussitôt. Nouvel assaut et c’est alors qu’il parvenait au but, à la tête de ses hommes, qu’il tomba à son tour.
On l’enterra sur place, auprès de ses camarades. Le général Lejeune témoigna : Caulaincourt fut placé au centre de ce retranchement et, à ses côtés, je fis déposer le brave Vasserot. Tout un côté de sa face avait été emporté, sans changer, sans détruire même l’expression animée de l’autre partie qui semblait commander et dire : « Amis, suivez-moi, nous vaincrons ! » Je fis couvrir ces deux corps d’un grand nombre de débris d’armures, de fusils, de cuirasses comme je l’avais déjà fait pour le général Gudin.
Quant au baron Fain, mémorialiste qui devait devenir secrétaire particulier de Napoléon l’année suivante, il raconta : On courut annoncer à l’Empereur cette victoire et cette perte ; le grand écuyer, frère du malheureux général, écoutait. Il fut d’abord saisi ; mais bientôt il se raidit contre le malheur et, sans les larmes qui se succédaient silencieusement sur sa figure, on l’eût cru impassible.
Cet ensemble de vertus, fermeté, droiture, courage, honneur et sens du devoir, aura été jusqu’au bout la marque Caulaincourt.