Ne parlons pas ici d’une actualité affligeante où revient en boucle depuis quatre jours la profanation d’un cimetière allemand dans les Ardennes. Inutile de s’étendre sur les détails ni de susciter des vocations. La puissance acquise par les moyens de communication et l’influence qu’ils exercent sur des esprits faibles doit nous dissuader de donner le moindre écho aux actes de ceux qui calomnient toute raison humaine.

Revenons donc à un sujet d’importance car intemporel : l’amour fou de Juliette Drouet pour Victor Hugo. Il en est question, ce soir, à la télévision (publique) et à un horaire décent (bienfait de l’inversion des valeurs, les programmes d’été sont désormais moins abrutissants que ceux d’hiver; prions pour que l’été demeure pourri et que les veillées soient nombreuses devant « l’étrange lucarne »).

Une passion de cinquante ans (on connaît la relation de leur première nuit d’amour, dans la fièvre du carnaval, en cette date devenue mythique pour tous les hugoliens du 16 février 1833) que seule la mort interrompt, le 11 mai 1883 (Victor Hugo lui a survécu exactement deux ans, mourant, lui aussi, en mai). Dans Le Roman des chefs-d’oeuvre de Jacques Robichon (Perrin, 1969), on lit : Longtemps, la sépulture de Juju dans le petit cimetière de Saint-Mandé, ne comportera – du vivant même de Hugo, son adoré – ni nom ni date ni signe. Comme si, dans la mort même, le destin de la grande femme aux yeux « diamantés » et aux épaules restées superbes, était de demeurer effacée, anonyme, martyre sublime de sa passion.

Le pèlerin qui, aujourd’hui, part sur les traces de Juliette Drouet (à Saint-Mandé, il s’agit, bien sûr, de l’ancien cimetière, situé avenue Joffre), inhumée avec sa fille, Claire, morte à vingt ans, qu’elle avait eue du sculpteur Pradier, découvre une pierre que rien ne distinguerait parmi les autres si on n’y lisait ces vers (Hugo souhaitait mourir en premier et n’imaginait visiblement guère que le Ciel ne l’exauçât pas) :

Quand je ne serai plus qu’une cendre glacée
Quand mes yeux fatigués seront fermés au jour,
Dis-toi, si dans ton coeur ma mémoire est fixée :
Le monde a sa pensée,
Moi, j’avais son amour !

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