En notre temps où les poètes ne se lisent plus qu’entre eux, il serait urgent de leur prêter attention.

Il y a cent dix ans, le 8 juillet 1902, dans la foulée du centenaire de la naissance de Victor Hugo, était créée la Société des poètes français, sous la triple impulsion de Sully Prudhomme (enterré au Père-Lachaise), tout récent prix Nobel de littérature (le premier de la liste), José-Maria de Heredia (enseveli dans le beau et pentu cimetière de Bonsecours qui, aux portes de Rouen, domine la ville et la Seine) et de Léon Dierx, « prince des poètes » (il porta le titre) dont la tombe, au cimetière parisien des Batignolles, est désormais aussi oubliée que l’oeuvre.

On trouve, dans la liste de ses membres (non pas tant des dynamiteurs du lexique que des esprits attachés à ce qu’on nomme la tradition française) de quoi satisfaire les nécrosophes de tous les horizons. Deux voisins au Père-Lachaise, Edmond Haraucourt et Georges Courteline (leurs tombes sont à touche-touche) ; deux résidents de Passy, aussi dissemblables dans l’écriture que dans l’apparence physique, Rosemonde Gérard (l’épouse d’Edmond Rostand) et Tristan Bernard ; deux occupants de cimetières marins (Paul Valéry, à Sète, Charles Vildrac, à Saint-Tropez) ; deux belles plumes posées à Montlhéry (Essonne), Paul Fort (sa tombe est dans son ancienne propriété) et Pierre Béarn (au cimetière) ; quelques montparnassiens tels François Coppée, Pierre Louÿs, Vincent Muselli ou Robert Sabatier qui vient à peine de les rejoindre ; ajoutons un Picard (Tristan Klingsor, enterré à Lachapelle-aux-Pots, dans l’Oise), une Bourguignonne (Marie Noël dont la tombe est à Auxerre), un amoureux de la Bretagne (Saint-Pol-Roux, réfugié à Camaret), un Languedocien (Henry Bataille, sous une réplique du Transi de Ligier Richier, à Moux, dans l’Aude), un Savoyard (Daniel-Rops, enseveli à Tresserve), et, bien sûr, des amoureux de Paris (Francis Carco, exilé à Bagneux, ou Roland Dorgelès, fidèle à Montmartre, au cimetière Saint-Vincent).

L’anniversaire sera célébré le dimanche 23 septembre, à l’occasion d’une croisière sur la Seine (embarquement à 17 h, 40 € par passager). On dit qu’il ne sera sûrement pas possible de satisfaire toutes les demandes. Raison de plus pour s’y prendre à l’avance. Les renseignements se trouvent sur le site de la Société :
http://spf.over-blog.com/

Fermons cette parenthèse hors du tumulte ambiant en citant un des plus célèbres sociétaires, Jean Cocteau (il avait décoré sa chapelle funéraire de Milly-la-Forêt) : Il faut être homme vivant et artiste posthume.

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