Dans la galerie des académiciens Goncourt ouverte en 1900, il est l’oublié, celui qu’on ne lit plus et dont le nom a depuis des lustres cessé d’être prononcé.
Et si sa ville natale de Reims a débaptisé en 1941 une de ses voies, la rue de l’École-de-Médecine, en son honneur, ses habitants d’aujourd’hui savent-ils seulement qui était Pol NEVEUX (1865-1939) ?
Titulaire pendant quinze ans du Deuxième Couvert, un des plus fournis en écrivains de talent, sa figure est bien pâle et timide en regard de ses prédécesseurs Joris-Karl Huysmans (inhumé à Montparnasse), Jules Renard (enterré dans son village nivernais de Chitry-les-Mines), et de son immédiat successeur Sacha Guitry (dont la tombe accueille le visiteur au cimetière Montmartre).
Quant à ses écrits, si on en retranche d’innombrables préfaces, postfaces et articles, ils se limitent à une étude sur Maupassant, un roman (Golo) et un récit (qualifié de discret par le Dictionnaire Larousse des Littératures qui en 1986 se contente à son sujet d’une notice de six lignes) autobiographique (La Douce Enfance de Thierry Seneuse, quel titre !) en hommage à son terroir champenois.
Grand réservé, immense précautionneux, en perpétuel effacement, ainsi apparaît-il sous la plume de ceux qui l’ont côtoyé.
Là où certaines natures s’imposent partout au premier rang, il est un homme du repli, celui qui se tient derrière les autres sur les photos de groupe.
Pierre Descaves (fils de Lucien, membre de l’Académie de 1900 à 1949), évoquant dans Mes Goncourt (Calmann-Lévy, 1949) les auteurs qui se réunissaient chaque dimanche chez son père, ne s’attarde guère sur son oeuvre, aussi mince que lui :
Pol Neveux, qui devait être élu à l’Académie Goncourt en 1924, n’avait alors publié qu’un roman de belle qualité, Golo ; il occupait un très haut poste administratif dans l’inspection générale des bibliothèques et était le gendre de Marcellin Pellet. – « Un mondain », affirmait Jules Renard. C’était, en fait, un lettré très délicat, très fin et un homme d’une rare distinction. De taille élevée, très maigre de corps, un peu incliné en avant, une longue mèche barrésienne lui balayant le front, il avait des prudences de diplomate et une courtoisie inlassable.
Dans son livre L’Académie Goncourt en dix couverts (Édouard Aubanel éditeur, 1943), Georges Ravon dresse de lui un portrait-express, le plus bref de tout son ouvrage, et, après avoir l’avoir qualifié de grand paresseux, l’expédie en ces termes :
M. Pol Neveux a gentiment confessé que la vue des milliers et des milliers de volumes rangés dans les rayons des bibliothèques qu’il avait, parfois à « inspecter » tout de bon, l’avait découragé d’ajouter un seul tome à ces montagnes de littérature :
« Qu’est-ce que je pourrais bien dire de plus ? »
Plus encore que le souvenir d’un bon auteur, c’est le souvenir d’un honnête homme qu’a laissé M. Pol Neveux. Il était affable et loyal, toujours empressé à obliger les débutants. Il milita pour qu’Apollon conservât ses droits parmi les Dix et obtint plusieurs sièges pour les poètes. Remercions sa mémoire.
M. Pol Neveux est mort le 26 mars 1939.
On n’évoque pas sans mélancolie sa haute silhouette penchée et comme fragile.
Au cimetière de Garches (Hauts-de-Seine), dans la proximité d’Henri Bergson, Sidney Bechet, Christian Duvaleix, Jacques Deray Jacqueline Delubac ou Guy Béart, la tombe où son épouse l’a rejoint en 1977, est coiffée d’un arbre imposant dont les branches basses viennent masquer son identité.
Effacé jusqu’au bout.