L’opposante birmane Aung San Suu Kyi a été reçue ce matin, sous des acclamations, à l’Hôtel-de-Ville de Paris et s’est vue remettre son diplôme de citoyenne d’honneur par le maire, Bertrand Delanoé.
Il y a cent-quarante-cinq ans, le 27 juin 1867, en ce même lieu, on accueillait avec faste le vice-roi d’Égypte, Ismaïl Pacha, petit-fils du fameux Méhémet Ali. L’Exposition universelle attirait les puissants du monde entier. Deux années plus tard, l’impératrice Eugénie irait assister à l’inauguration du canal de Suez.
À croire les journaux du temps, en l’occurrence Le Figaro du 29 juin 1867, la soirée fut exceptionnelle :
La façade du palais municipal fut illuminée dès le crépuscule. Le péristyle, le grand escalier et les salons ordinaires de M. Haussmann avaient gardé leur odorante décoration du dernier raout, et M. Alphand avait greffé par ci par là quelques statues, quelques fleurs et quelques fontaines sur les enchantements du bal des souverains.
Après le dîner, un concert lyrique se tint dans le salon des Arcades où, sous la direction de M. Pasdeloup, on joua Mozart, Donizetti, Rossini, et d’autres encore. Le chroniqueur témoigne : Le vice-roi et les beys ont paru prendre un vif plaisir à entendre notre musique. Et pourtant Dieu sait si son harmonie diffère de l’harmonie égyptienne.
Et ajoute : L’estrade de l’orchestre avait été disposée en face du trône et des fauteuils réservés au vice-roi d’Égypte et à sa suite. Le costume de l’Altesse et ceux de ses officiers, rangés derrière son siège en ordre parfait, tranchaient par leur sévérité sur les riches et lumineux atours des dames priées à cette soirée.
Ce 27 juin 1867 marqua le triomphe de la jeune cantatrice Marie Roze, elle avait vingt-et-un ans, dont on se plaisait à dire qu’elle ressemblait à une poupée qui aurait avalé une tabatière à musique. On admirait ses épaisses boucles brunes et on prétendait que sa peau blanche avait la couleur et l’éclat du marbre mouillé ! L’observateur nota ce glorieux soir : Il est vrai que mademoiselle Marie Roze a beaucoup « donné » dans cette mélodieuse campagne. Marie Roze, qui (pour employer l’expression de l’un des plus célèbres compositeurs de ce temps), chante avec sa beauté !
Haussmann n’y fut pas insensible qui devint son amant, non exclusif.
Morte en 1926, elle repose au Père-Lachaise, dans la partie basse, non loin d’Alphand et d’Haussmann, tandis que Jules Pasdeloup est enterré à Fontainebleau. Son buste de pierre, placé sur un socle qui s’effrite, ne capture plus guère les regards.
Précisons qu’elle s’appelait Marie Roze, et non Marie Rozé comme l’écrivent sur internet ceux qui en ont abusé.