Après celles de Léo Chauliac, Roger Moore, Alfred Savoir, Rémy Kolpa-Kopoul, Claude Moliterni, Arnaud Hamelin, Paul Tourenne, Emmanuel Maubert, Bernard Spindler, Michel de Boüard, Gepetto Ben Glabros, Jacques Morali, Ida Rubinstein, Rodolphe de Battine, Jeanne Bloch, Pierrette Fleutiaux, Bruno Bayen, Jean-Pierre Joulin, Henri Negresco, Peter Dean, Roger Marino, Emil Cadoo, Henri Belolo, Philippe Ogouz, Yves Hervalet et Maurice Vamby, une nouvelle sépulture inédite de célébrité…
Né à Rodez (Aveyron) en 1875, Abel La Fleur (et non Lafleur comme on le lit presque partout) fut un sculpteur et médailleur français dont le monde du football se disputa pendant quarante ans l’oeuvre la plus célèbre.
Élève de Jules-Clément Chaplain (inhumé à Paris, au cimetière Montparnasse) et Hubert Ponscarme (qui repose au cimetière de Vanves), il débuta au temps de l’Art Nouveau mais s’affirma vraiment durant l’entre-deux-guerres, lors la période Art Déco.
Médailleur, il immortalisa Lavoisier, Camille Flammarion ou le cardinal Verdier.
Sculpteur, il réalisa entre autres le Monument aux morts que la Banque de France dédia à ses agents morts au champ d’honneur entre 1914 et 1918, visible à Paris, rue La Vrillière.
Dans le domaine funéraire, les flâneurs du Père-Lachaise connaissent dans le chemin des Chèvres son médaillon représentant le profil du poète d’origine ottomane Paul Musurus, oncle d’Anna de Noailles.
Sa postérité se trouve néanmoins ailleurs, précisément dans une oeuvre de trente-cinq centimètres, pesant un peu plus de six kilos, en argent fin plaqué or et représentant Niké, la déesse grecque de la victoire, brandissant un calice octogonal : le trophée original de la Coupe du monde de football créé pour la première édition qui eut lieu en 1930 avec l’Uruguay pour pays-hôte !
Devenu en 1946 la coupe Jules-Rimet (en l’honneur du créateur français de la compétition, inhumé au cimetière parisien de Bagneux), remis successivement à l’Uruguay (1930), l’Italie (1934 et 1938), à nouveau l’Uruguay (1950), l’Allemagne (1954), au Brésil (1958 et 1962), l’Angleterre (1966), il devint (selon le voeu de Jules Rimet) définitivement la propriété du Brésil après sa troisième victoire, celle de 1970.
À partir de 1974, c’est la coupe que nous connaissons (oeuvre de l’artiste italien Silvio Gazzaniga, décédé en 2016) qui fut mise en jeu tous les quatre ans.
Mais le destin du trophée originel fut toujours mouvementé…
Ayant échappé aux nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale grâce à un dirigeant italien qui l’avait dissimulée sous son lit dans une boîte à chaussures (!), l’oeuvre fut volée à Londres au printemps 1966 mais retrouvée une semaine plus tard dans un jardin par le chien Pickles qui devint une éphémère vedette de l’actualité, décrochant même grâce à cela un rôle dans une comédie d’espionnage (avant de mourir quelques mois plus tard, étranglé par sa laisse en poursuivant un chat). Dans l’intervalle, une réplique avait été commandée à un joaillier anglais. Le jour de la finale à Wembley, la reine Elizabeth remit la véritable coupe au capitaine anglais (Bobby Moore) mais, par prudence, on donna la réplique aux joueurs le temps de leur tour d’honneur puis lors de leur apparition au balcon de Buckingham.
Lorsque l’Angleterre dut en 1970 transmettre le trophée au Brésil, on s’interrogea sur l’exemplaire réellement donné : le vrai ou la copie ? Question devenue cruciale quand la statuette fut de nouveau dérobée en 1983, à Rio de Janeiro cette fois, lors d’une exposition (les journaux anglais ne se privèrent alors pas d’exhumer la déclaration du président de la fédération brésilienne de football faite en 1966 après le vol commis à Londres : Un tel vol ne serait jamais arrivé au Brésil. Même les voleurs brésiliens aiment le foot et ne commettraient jamais un tel sacrilège.). On ne la retrouva pas.
Toutefois, un ultime rebondissement eut lieu en 1997 quand la fédération anglaise vendit aux enchères ce qu’elle présentait comme la réplique fabriquée en 1966 mais dont certains étaient persuadés qu’il s’agissait de l’original. La FIFA, à la lutte avec la fédération brésilienne, l’acquit plus de douze fois son prix d’estimation (254000 £), accréditant la thèse de l’authenticité. Après examen, on sut que c’était un bronze recouvert d’une couche d’or, autrement dit la copie.
L’original, quant à lui, n’a jamais reparu. Constitué d’or et d’argent, il est impossible à fondre. Peut-être trône-t-il aujourd’hui sur la cheminée de quelque collectionneur…
Le brave sculpteur Abel La Fleur, mort oublié en janvier 1953, ignora l’essentiel de ces turpitudes.
Au cimetière ancien de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), loin de sa ville natale mais pas tant que ça du Parc des Princes, j’ai retrouvé un matin d’hiver son tombeau de famille, fondu dans la grisaille ambiante.
Son nom s’y déchiffre encore.
Je ne l’ai pas lu sans émotion.