À cette question, répondons : « Des bienheureux ! »
Le jour où il faudra désigner les plus beaux cimetières du monde, je demanderai la parole afin que celui-ci ne soit pas oublié.
Quelle merveille ! Un environnement incomparable qui justifie à lui seul une escapade sur l’ile de Jersey, au fond de la baie de Saint-Brélade, dominant les flots et l’immense plage de sable.
N’oubliez pas de cliquer sur les photos…
L’ensemble est organisé autour de l’église paroissiale (consacrée en 1111, elle est la plus ancienne de l’île) qui contient de nombreuses inscriptions funéraires et de la chapelle des Pêcheurs, célèbre pour ses fresques médiévales.
Chercher avant tout la tombe de l’artiste française Claude CAHUN (Lucy Schwob) (1894-1954), respectivement nièce et petite-nièce des écrivains Marcel Schwob et Léon Cahun (à ce dernier, elle emprunta son pseudonyme), qui fut photographe et écrivain, dont l’oeuvre, en grande partie autobiographique, dévoile un être rebelle à toute identification et demeure un repère essentiel pour comprendre l’histoire du mouvement surréaliste.
Elle repose auprès de Suzanne Malherbe (1892-1972), alias Marcel MOORE, qui illustra ses oeuvres et qui fut la compagne de toute sa vie (elles s’étaient connues dès l’enfance, à Nantes, et devinrent même « soeurs par alliance » lorsque le père de Claude Cahun épousa la mère de Suzanne Malherbe).
Installées à Jersey dès 1937, toutes deux participèrent à la Résistance contre l’occupation de l’île, en particulier en diffusant des tracts (signés « Le Soldat sans nom ») lors des enterrements de soldats allemands précisément dans ce cimetière (337 Allemands furent inhumés ici, d’une part des prisonniers de guerre entre 1914 et 1918, d’autre part des membres de l’armée d’occupation entre 1940 et 1945 ; leurs corps furent transférés en 1961 au Mausolée du Mont d’Huisnes, près d’Avranches). Elle furent arrêtées en juillet 1944, condamnées à mort, virent leur peine commuée et ne furent libérées qu’en mai 1945, jour de la capitulation allemande (les îles anglo-normandes furent les seules territoires appartenant à la Couronne occupés par les troupes allemandes durant la Seconde Guerre mondiale).
Claude Cahun décéda de maladie en 1954, Suzanne Malherbe se donna la mort en 1972.
Leur stèle se dresse au fond du cimetière, contre le mur d’enceinte.
Depuis février 2018, une partie du terre-plein central du boulevard Raspail à Paris porte le nom d’Allée Claude-Cahun-Marcel-Moore.
Parmi les autres curiosités, une plaque à la mémoire de Marie MAUGER, fondatrice de l’Hôpital Général, inhumée dans cette paroisse le 26 août 1741,
le tombeau de John Arthur BALLEINE (1859-1942) qui fut recteur de Saint-Brélade de 1892 à 1942 et vice-Doyen de Jersey de 1907 à 1942,
la statue d’un jeune garçon mort à 10 ans en 1931,
des bancs témoignant que d’autres avant nous aimèrent ce lieu,
enfin de nombreuses inscriptions qui rappellent que le français est encore aujourd’hui une des trois langues officielles de l’île (avec l’anglais et le jersiais).
Je complèterai cet article d’autres noms de défunts, souvent méconnus des Français, mais tenais à vous faire découvrir le site dès maintenant.
Situation :
St-Brélade se trouve au sud-ouest de l’île de Jersey. Accès facile en voiture depuis Saint-Hélier (nombreuses liaisons par autocar, compter 35 à 40 minutes).